La politique, les politiques et les organismes de bienfaisance : faisons entendre nos voix

Chaque élection apporte son lot d’incertitude. Si l’on ajoute à cela les relations plus difficiles entre le Canada et les États-Unis en ce moment et les défis économiques actuels, le secteur de la bienfaisance en ressent les effets de manière encore plus aiguë. Face à l’incertitude financière ou aux ralentissements économiques, les organismes réduisent souvent leurs activités de collecte de fonds et de marketing de cause, ce qui entraîne la réduction du financement de programmes cruciaux dont dépendent des Canadien.ne.s, particulièrement dans les périodes difficiles. C’est ce qui se passe en ce moment, alors que le soutien des donateur.trice.s est déjà en baisse depuis plusieurs années et que la demande de services caritatifs continue d’augmenter.
Bien que le secteur de la bienfaisance soit indéniablement touché par ces défis, nous savons par expérience que le gouvernement ne l’inclut pas immédiatement dans ses programmes d’aide, ce qui a souvent de graves conséquences pour les bénéficiaires des services caritatifs.
Un parfait exemple de cela est le délai de mise en œuvre du financement tant attendu du Fonds de relance des services communautaires pour la relance post-pandémie du secteur de la bienfaisance. Il s’est écoulé deux ans entre l’annonce et la mise en œuvre. Cela a eu des conséquences financières et socioéconomiques considérables sur un secteur qui emploie plus de deux millions de personnes et qui vient en aide à quelque 24 % de Canadien.ne.s qui se tournent vers les organismes de bienfaisance pour répondre à leurs besoins essentiels, un pourcentage probablement en deçà de la demande réelle qui pèse sur le secteur.
Les élections ou les événements gouvernementaux importants peuvent bloquer ou perturber des initiatives politiques essentielles au financement et aux activités des organismes sans but lucratif. Ce fut le cas récemment avec l’annonce de la prorogation du Parlement peu de temps après qu’AFP Canada ait réussi à obtenir la prolongation jusqu’à la fin février 2025 de la date limite des dons de bienfaisance admissibles au crédit d’impôt pour l’année d’imposition 2024. Cette prorogation a créé de l’incertitude chez les professionnel.le.s du secteur et les donateur.trice.s, qui ne savaient pas si le report de la date limite des dons allait avoir lieu comme prévu. Une fois de plus, notre secteur a dû intervenir auprès du gouvernement pour défendre ses intérêts et fournir les précisions nécessaires.
Les tarifs douaniers, qui ont une incidence directe sur le marché de l’emploi et l’accessibilité financière, ce qui, du coup, entraîne une augmentation de la demande de services essentiels comme les banques alimentaires et le logement (en anglais), sont une source de préoccupation immédiate pour notre pays et notre secteur. L’urgence de prendre des mesures déterminantes pour atténuer ces effets rappelle que les politiques économiques comme les tarifs douaniers et l’inflation entraînent une augmentation des coûts et, par conséquent, de la demande globale de services caritatifs.
La hausse des coûts peut aussi obliger les organisations à réduire leurs services et leur personnel, et à dépendre encore plus des dons. Elle peut aussi amener des donateur.trice.s et des commanditaires à diminuer leurs dons et autres contributions à des fins caritatives afin de se protéger d’éventuels contrecoups des fluctuations économiques (en anglais). Cette situation intensifie la concurrence pour obtenir des dons et des commandites, de sorte que les organismes sans but lucratif ont encore plus de difficulté à obtenir du financement. Un problème d’autant plus important que la majorité des organismes de bienfaisance et sans but lucratif canadiens comptent moins de 20 employé.e.s et n’ont peut-être pas le personnel et la capacité nécessaires pour obtenir des fonds supplémentaires.
Bien que le secteur de la bienfaisance et sans but lucratif contribue à hauteur de 216,5 milliards de dollars à l’activité économique canadienne, il n’y a aucune entité au sein du gouvernement pour défendre ses intérêts et assurer la liaison avec le secteur. En raison de la diminution inquiétante du nombre de personnes qui font des dons de bienfaisance et de la hausse de la demande de services, le secteur fait face à des défis auxquels il est urgent de s’attaquer.
En tant que professionnel.le.s en collecte de fonds, nous insistons souvent sur l’importance d’être présents auprès des responsables du financement lorsqu’ils prennent leurs décisions. Le même principe s’applique ici. Nous devons utiliser notre expertise en matière de plaidoyer pour faire entendre le point de vue du secteur lorsque le gouvernement élabore des politiques qui touchent nos organisations et les communautés qui bénéficient de nos services.
Pour pouvoir exercer une influence sur les responsables politiques, le secteur ne doit pas agir de manière fragmentée. Il est essentiel d’avoir une stratégie de plaidoyer unifiée et, pour ce faire, nous devons utiliser les ressources disponibles pour nous assurer de transmettre le même message lorsque nous rencontrons des député.e.s de notre circonscription, des politicien.ne.s et des candidat.e.s aux élections, quel que soit le parti auquel ils appartiennent. AFP Canada a des ressources pour soutenir nos efforts.
La création d’un secrétariat voué au secteur de la bienfaisance est la priorité absolue d’AFP Canada, car une telle entité aidera à renforcer le secteur et à faire en sorte qu’il soit toujours en mesure d’offrir des services aux Canadien.ne.s et à leurs familles. La création d’un guichet unique au sein du gouvernement a d’abord été recommandée par le Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance en 2019, une recommandation à laquelle le gouvernement a donné son appui dans sa réponse au rapport du Comité sénatorial en 2021. Le temps écoulé depuis reflète non seulement la longueur du processus d’engagement envers cette priorité, il témoigne aussi de l’importance cruciale d’un plaidoyer soutenu et du maintien de nos efforts en ce sens. Cette demande n’est pas nouvelle, mais la création d’un secrétariat demeure l’une des mesures les plus efficaces que le gouvernement puisse prendre pour garantir que les Canadien.ne.s ont accès à des services essentiels lorsqu’ils en ont besoin.
Les organismes de bienfaisance et sans but lucratif doivent continuer de demander au gouvernement d’adopter des politiques qui protègent le secteur des ralentissements économiques et de l’instabilité financière, et qui contribuent à préserver sa santé et sa viabilité à long terme. Il n’a jamais été aussi urgent d’agir.
Les élections fédérales de 2025 sont une belle occasion de faire connaître la manière dont notre secteur change la vie des gens. Participez à la défense des intérêts du secteur. Visitez notre page Web sur les élections pour savoir comment vous pouvez vous impliquer.