Portrait de Ken Mayhew
Ken Mayhew, ancien président de la section de l’AFP du Grand Toronto, est le président élu d’AFP Canada et le président du Comité des communications de l’organisation. De 1991 à 2002, il a travaillé pour la Société canadienne de la sclérose en plaques, pour finalement y devenir directeur du développement. Il a par la suite été président et directeur général de la Fondation William Osler pour le système de santé à Brampton, en Ontario, où il a œuvré pendant près de neuf ans. Ken s’est impliqué auprès de l’AFP pendant la majeure partie de cette période, contribuant à la création d’AFP Canada et aidant de nombreux collecteurs de fonds. Les questions et réponses qui suivent sont extraites d’un discours qu’il a prononcé lorsque la section de l’AFP du Grand Toronto lui a remis un prix d’excellence en philanthropie en novembre 2019.
Ken, vous avez récemment reçu le Prix du professionnel en philanthropie par excellence de la section du Grand Toronto. Comment avez-vous vécu cette reconnaissance par vos pairs?
Je suis profondément honoré de cette reconnaissance. Je crois sincèrement en l’importance de l’AFP. Les amis et les mentors que j’ai rencontrés ainsi que les occasions de mentorat inversé m’ont poussé à devenir un meilleur praticien et une meilleure personne ainsi qu’à me prémunir et aider les autres à se prémunir contre les hauts et les bas et les doutes inévitables qui accompagnent toute action importante.
Quelle est, selon vous, la contribution de l’AFP dans le monde de la philanthropie?
Grâce à la section du Grand Toronto et à d’autres sections incroyables, et avec le soutien de la Fondation canadienne pour la philanthropie de l’AFP, AFP Canada a élaboré un nouveau discours pour notre secteur, avec des preuves manifestes que la collecte de fonds est essentielle au Canada. Les organismes de bienfaisance canadiens ne peuvent pas changer le monde s’ils n’ont pas l’argent pour le faire. Le but de la collecte de fonds est de s’assurer que les organismes de bienfaisance ont suffisamment d’argent pour pouvoir fournir des services qui changent la vie de leurs bénéficiaires. Les donateurs donnent plus souvent et donnent plus lorsqu’on les sollicite, et c’est ce que font les collecteurs de fonds jour après jour.
Différentes raisons amènent les gens à faire carrière en collecte de fonds. Comment en êtes-vous venu à œuvrer dans ce domaine?
J’ai commencé à la Société canadienne de la sclérose en plaques en tant que coordonnateur à temps partiel d’un marathon de lecture. J’ai appris par la suite que la personne à qui on avait initialement proposé ce rôle avait refusé. Le premier jour, j’ai découvert que la personne qui m’avait engagé avait été licenciée. Comme beaucoup de nouveaux employés, je me suis dit, dès les premières semaines, que la direction n’avait aucune idée de ce qui se passait réellement. Avec le temps, mon opinion sur ce sujet a bien sûr changé, mais, si vous demandez à mon équipe certains jours, cette perception n’a pas changé.
Quelles premières leçons avez-vous tirées de votre travail à la Société canadienne de la sclérose en plaques?
J’ai vu la peur et les deuils chez les gens atteints de la sclérose en plaques, et j’ai été frappé par le caractère aléatoire de cette maladie. J’ai rencontré des gens qui, sans que ce soit de leur faute, se sont réveillés un jour avec la sclérose en plaques, une maladie neurologique chronique, souvent progressive. Comme il n’y avait aucun traitement possible à l’époque, j’ai compris que la vie est parfois injuste et inexplicable. Aujourd’hui encore, lorsque mon ciel s’assombrit et que la voie à suivre n’est pas claire, je puise dans le courage et la force de caractère de ces étrangers qui sont devenus des amis si chers, mes héros et mes modèles.
Avez-vous choisi de faire carrière en collecte de fonds ou est-ce la collecte de fonds qui vous a choisi?
Après quelques mois passés à faire de la sollicitation téléphonique auprès d’écoles et à organiser des assemblées pour les élèves en ma qualité de coordonnateur du marathon de lecture – et quelque part entre un séjour au Motel 6 à Wawa, en Ontario, et la tenue des assemblées scolaires à Moose Factory et Moosonee – la collecte de fonds m’a séduit. C’était un travail difficile, mais il donnait un sens à la vie des enfants à qui je parlais et qui, souvent, vivaient avec un parent atteint de la sclérose en plaques, une raison d’être au travail d’éducation et un but à moi-même.
Vous avez passé au total 20 ans au sein de la Société canadienne de la sclérose en plaques. Pouvez-vous nous dire brièvement comment vous avez vécu cela?
En 20 ans, nos incroyables équipes ont élaboré et lancé les programmes nationaux « Marche de l’espoir » et « Vélotour SP », qui sont aujourd’hui encore des références dans le secteur. Je suis fier de voir qu’un grand nombre de ces idéalistes qui scandaient « Oui, nous pouvons » en s’amusant occupent aujourd’hui des postes de très haut niveau dans notre secteur. J’ai également eu l’occasion de mettre sur pied des cabinets de campagne et d’œuvrer au sein de ceux-ci, depuis Halifax jusqu’à Vancouver, et de voir des femmes et des hommes exceptionnels créer un réseau national de formation à la recherche. J’ai également vu des chercheurs canadiens, dont beaucoup à l’hôpital SickKids et à l’hôpital St. Michael, mettre au point des traitements grâce auxquels la sclérose en plaques est aujourd’hui une maladie que l’on peut traiter. J’ai perdu des amis chers à cause de la sclérose en plaques, mais j’ai aussi été le témoin direct de l’espoir rendu possible grâce à la philanthropie.
Pour quelle raison avez-vous quitté la Société canadienne de la sclérose en plaques?
Il n’a pas été facile de passer à autre chose, mais Kulvir Singh Gill, qui était à l’époque président du conseil d’administration de la Fondation William Osler, m’a offert de prendre la direction de l’équipe de la Fondation. J’ai été chargé de collecter des fonds pour financer des projets de réaménagement multiples et simultanés à Brampton et à North Etobicoke. Un hôpital communautaire avait sauvé la vie de ma mère lorsque j’étais au secondaire, avec trois jeunes frères et sœurs, dont un frère de six ans, de sorte que je savais déjà qu’on n’a jamais besoin d’un hôpital communautaire jusqu’au jour où on en a besoin.
Vous êtes à la Fondation William Osler depuis plus de huit ans maintenant. Comment cela se passe-t-il jusqu’à maintenant?
Mon arrivée à la Fondation William Osler a ouvert un nouveau chapitre de croissance pour moi. J’ai appris auprès de dirigeants communautaires qui ont des perspectives et des expériences très différentes des miennes. Chez Osler, la majorité de notre personnel s’identifie comme une minorité visible et est originaire des quatre coins du monde. Beaucoup n’adhèrent pas à la notion judéo-chrétienne de la philanthropie, et pourtant, je constate que leur désir de servir est sans limites. Je peux dire sans hésitation que le fait de travailler avec les nombreuses communautés représentées au sein d’Osler et d’apprendre d’elles, aux côtés de dirigeants extraordinaires de tous horizons, est la partie la plus enrichissante de mon travail.
Pas plus tard que samedi dernier, lors de notre gala Osler, on nous a raconté l’histoire d’un homme qui a été amené à l’hôpital général d’Etobicoke quatre jours seulement après l’ouverture de notre nouvelle tour pour les patients. Il avait une rupture d’anévrisme aortique, qui est généralement fatale. Grâce au nouvel équipement à ultrasons, son urgentologue lui a sauvé la vie… avec l’aide des 9 000 donateurs issus d’une communauté dont le taux de pauvreté est de 25 %. Nous avons amassé au cours du gala plus de 2,2 millions de dollars. Ce fut une soirée inoubliable.
Qu’est-ce qui vous plaît tout particulièrement dans votre travail actuel?
Je suis chaque fois profondément touché par les gens qui font preuve d’un niveau de générosité que l’on sait difficile pour eux, ou par une entreprise qui lie sa marque et sa réputation à votre cause. Grâce à la collecte de fonds, de nombreuses personnes sont nourries et logées, des maladies mortelles sont désormais traitables, les nouveaux Canadiens ont un avenir grâce à l’éducation, et des questions de justice sociale, que l’on acceptait autrefois en se disant « c’est ainsi, on ne peut pas faire autrement », sont aujourd’hui remises en question. Le changement est financé par la philanthropie et par des collecteurs de fonds exceptionnels.
Que faire lorsque les collectes de fonds ne se passent pas bien, lorsque les gens ne font pas de dons? Comment peut-on faire face à une telle situation?
C’est un travail où vous pouvez également vous sentir bien seul – lorsque les billets ne se vendent pas, que le taux de réponse chute, que la campagne dans laquelle vous vous êtes investi corps et âme est infructueuse, ou que le fidèle donateur « qui peut faire la différence » et avec lequel vous avez établi une bonne relation cesse soudainement de vous rappeler. C’est dans de tels moments que l’on se heurte aux indicateurs de rendement clé et aux tableaux de bord. Nos intentions ne se sont pas concrétisées. Avons-nous travaillé moins dur ou avec moins d’intensité que la fois où nous avons obtenu un gros don? Je ne connais pas un seul collecteur de fonds qui ne soit pas touché par ce passage entre le summum de réaliser l’impossible et le sentiment d’avoir échoué.
Que peuvent faire les collecteurs de fonds lorsque les choses ne vont pas bien?
L’un des points énigmatiques chez nous, les collecteurs de fonds, est notre besoin d’affirmation et de validation de l’extérieur. Nous sommes appelés à servir et nous sommes des professionnels; nous n’aimons pas être qualifiés ou présentés autrement. Les collecteurs de fonds relient les philanthropes aux causes qui ont besoin de leur soutien. Nous établissons ce lien et les fonds recueillis changent le monde, et ce, plusieurs fois chaque jour. Dans ce monde de vacarme et de précipitation, nous plaidons pour le bien, la gentillesse et la participation citoyenne des communautés que nous servons.
L’AFP peut nous aider dans de tels moments…. En offrant amitié, formation, un mentor ou une simple tasse de café.
Quel type de leadership envisagez-vous pour l’avenir?
Le leadership s’accompagne de la responsabilité d’apporter du changement. Les anciennes normes d’interaction, notamment en ce qui a trait aux déséquilibres du pouvoir, doivent être abolies. Chaque personne qui œuvre dans notre secteur est en droit de s’attendre à l’équité, à la justice et à la parité entre les hommes et les femmes, et de se sentir en sécurité sur son lieu de travail.
Si cela était possible, y a-t-il un conseil que vous donneriez à votre jeune vous-même aujourd’hui?
Je lui dirais ceci : « Dirige de là où tu te trouves. Considère ton rôle actuel comme important. Sors un peu de ta zone de confort, mets-toi un peu en danger. Sois ouvert au changement. Sois indulgent envers toi-même en cas d’échec. Tends à incarner le changement dans le monde. Défends les autres. » Ce faisant, avec un peu de chance, on laisse les choses en meilleur état qu’au moment où on les a trouvées. Je crois que c’est ce que nous espérons tous accomplir.