Portrait de Sofia Janmohamed : « Accepter l’incertitude, agir avec courage et mener le changement »
Actuellement la vice présidente par intérim des dons exemplaires à la Société canadienne du cancer, Sofia Janmohamed, MBA, CFRE, cumule 20 ans d’expérience en collecte de fonds, en communications et dans le domaine des ressources humaines. Elle a occupé divers postes bénévoles au sein de la section de l’AFP du Grand Vancouver, dont ceux de présidente du comité « Youth in Philanthropy » (Jeunesse en philanthropie) de 2015 à 2017, de vice-présidente du perfectionnement professionnel de 2018 à 2019 et, depuis juillet 2020, de présidente de la section du Grand Vancouver. Nous nous sommes entretenus avec elle récemment pour discuter de sa carrière en collecte de fonds, des défis qu’elle entrevoit pour le secteur et des conseils qu’elle donnerait à une personne qui amorce sa carrière dans le domaine, entre autres sujets.
Au début de votre carrière, aviez-vous imaginé où vous seriez dans 20 ans?
Au début, je pensais que je deviendrais comptable ou avocate, ou que j’aurais ma propre entreprise. J’avais 19 ans quand j’ai fait ma première sollicitation téléphonique, et je trouvais cela tout à fait normal. Cela m’amusait d’être payée pour parler à des personnes de ce qui est devenu mon alma mater, de discuter avec eux et de leur demander de faire un don. Lorsque je disais aux gens ce que je faisais, ils me regardaient avec de grands yeux. Je ne me rendais pas compte à quel point ce travail semblait difficile pour les autres, car pour moi, c’était facile, j’étais très douée. J’ai poursuivi dans ce domaine et décidé de faire carrière en collecte de fonds grâce aux très nombreuses personnes que j’ai rencontrées et aux occasions qui m’ont été offertes.
Aujourd’hui, quel conseil donneriez-vous à la jeune personne que vous étiez à l’époque? Que diriez-vous à quelqu’un qui amorce sa carrière en collecte de fonds?
Je dirais à mon jeune moi-même d’essayer de ralentir. Et je dis aux nouveaux venus dans le domaine qu’ils doivent profiter des moments privilégiés, prendre le temps de célébrer les réalisations, ne prendre tout trop au sérieux, accepter l’incertitude, agir avec courage et mener le changement. Faites-en une affaire personnelle, travaillez dur et apportez votre touche personnelle à ce que vous faites.
Selon vous, quelles sont les qualités d’un bon mentor?
La confiance et l’honnêteté. Être capable d’avoir des conversations constructives et parfois très difficiles. Avoir l’inspiration pour encourager le mentoré à approfondir les choses et à s’investir un peu plus dans son travail. Célébrer les victoires. Avoir la passion d’aider et d’enseigner.
Vous êtes témoin de l’évolution du secteur depuis plus de 20 ans. Quels sont les nouveaux défis du secteur philanthropique à l’aube de l’année 2021?
Il est primordial de renforcer la confiance du public envers le secteur, et de faire preuve de transparence et de responsabilisation à son égard. Pour y parvenir, il est de toute évidence essentiel de démontrer aux donateurs ce que leurs dons permettent d’accomplir. Le grand nombre de causes importantes qui aident divers bénéficiaires sème une certaine confusion chez les donateurs, qui ne saisissent peut-être pas pourquoi autant d’organismes de bienfaisance semblent servir le même but. Cette confusion fait en sorte que les organismes doivent veiller à définir clairement leur raison d’être. La demande et les besoins continuent de croître, mais le financement n’augmente pas au même rythme. Comme beaucoup d’autres secteurs, le secteur philanthropique peine lui aussi à régler la question de l’écart de rémunération entre les sexes et celle de la diversité, mais la sensibilisation et l’action positives se sont accrues.
Selon vous, quelles compétences en collecte de fonds est-il important d’avoir dans le contexte actuel?
La collecte de fonds est un travail expérimental d’amour, de passion et de désir d’aider les autres. Il faut savoir poser de bonnes questions et être en mesure de gérer beaucoup de rejets. L’honnêteté et la responsabilisation sont indispensables. Concrétiser le souhait d’un donateur de contribuer à une cause qui lui tient à cœur et d’aider les personnes qui en ont le plus besoin est la plus belle des récompenses.
Depuis le début de votre carrière, vous êtes active au sein de l’AFP et vous êtes aujourd’hui présidente de la section du Grand Vancouver. Quels avantages l’AFP offre-t-elle à la profession de collecte de fonds selon vous?
En tant que professionnelle en collecte de fonds, l’AFP m’a offert de précieuses possibilités de formation, m’a enseigné les pratiques exemplaires en matière de collecte de fonds, m’a montré les bases d’une collecte de fonds éthique, en plus de me donner accès à un vaste réseau de professionnels à différentes étapes de leur carrière pour obtenir des conseils et du soutien et avec lesquels j’ai tissé des liens d’amitié. L’AFP, à l’échelle mondiale, dans tout le Canada et dans chaque collectivité, déploie beaucoup d’efforts pour promouvoir le secteur auprès du gouvernement et sensibiliser la population aux enjeux importants.
Quels sont vos objectifs en tant que présidente de la section du Grand Vancouver?
En tant que « présidente en période de pandémie », je vise à faire en sorte que la section de l’AFP du Grand Vancouver continue d’enrichir ses membres par l’éducation, le réseautage et le soutien, et qu’elle poursuive la réorientation de ses activités vers plus d’options virtuelles. Je tiens également à remercier les généreux et talentueux donateurs, partenaires, bénévoles et collecteurs de fonds de notre ville qui sont des alliés exceptionnels en ces temps difficiles.
En tant que femme de couleur, avez-vous déjà été victime de discrimination dans le secteur?
Je ne pense pas avoir été directement victime de discrimination. Mais j’ai compris que les préjugés inconscients pèsent parfois lourd dans la balance et que les gens qui nous entourent ne sont pas toujours conscients de la présence de tels préjugés chez eux. Je sais que de nombreuses personnes ont subi une forme ou une autre de discrimination au sein du secteur. L’AFP travaille activement pour éduquer les gens et accroître l’inclusion. Le principe IDEA [Inclusion, Diversité, Équité et Accès] occupe une place importante dans toutes nos activités, et nous poursuivons nos efforts pour mettre ces enjeux au premier plan.
La pandémie nous a tous durement touchés cette année. Quel est, selon vous, le rôle de l’AFP dans ces circonstances?
En ces temps difficiles, l’AFP doit témoigner sa reconnaissance à tous les incroyables donateurs, bénévoles et professionnels en collecte de fonds qui travaillent pour soutenir les personnes dans le besoin. C’est lorsque les temps sont les plus durs que l’on peut voir les dirigeants se mobiliser et agir. C’est exactement ce que notre campagne numérique de la Journée nationale de la philanthropie a mis en évidence au cours des derniers mois. Lorsque nous donnons aux autres, nous nous soutenons nous-mêmes de différentes manières : donner, c’est recevoir. En outre, l’AFP continue de garder ses membres en contact les uns avec les autres, de leur offrir des possibilités d’éducation inestimables et de défendre l’importance du secteur de la bienfaisance auprès du gouvernement.
Quels conseils donneriez-vous à une personne qui entame sa carrière en collecte de fonds en ce moment?
Profitez des occasions de réseautage pour rencontrer d’autres professionnels en collecte de fonds. Trouvez un mentor. Entourez-vous de personnes qui vous inspirent. Investissez dans vous-mêmes – éducation, perfectionnement, santé et bien-être. Trouvez une cause qui vous passionne. Reconnaissez le travail de vos collègues et des personnes qui vous soutiennent. Faites des dons de bienfaisance d’un montant qui vous convient et donnez de votre temps. Soyez ce leader du secteur philanthropique qui inspire les autres.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose?
J’aimerais remercier sincèrement tous mes mentors et superviseurs, tous mes collègues, tous les bénévoles, toutes les équipes d’employés ainsi que tous les donateurs, partenaires et bénéficiaires que j’ai eu la chance de côtoyer dans le cadre de mon travail au cours des deux dernières décennies.