Pendant que ça compte
L’AFP est heureuse que Birgit Smith Burton, fondatrice du Réseau des agents de développement afro-américains, prenne aujourd’hui la relève de Mike dans son message du lundi. Birgit est directrice générale des relations avec les fondations du Georgia Institute of Technology d’Atlanta, en Géorgie, et vice-présidente de l’engagement des membres à l’AFP.
Comme l’a déclaré l’ancienne première dame des États-Unis Michelle Obama dans un récent gazouillis et dans un message vidéo, je suis moi aussi confuse, effrayée, en colère et tout simplement bouleversée par ces femmes et ces hommes noirs qui perdent la vie aux mains de policiers. Mais l’article de mon amie et collègue Kishshana Palmer intitulé « The Looting of My Soul » (Le pillage de mon âme) m’incite à agir.
Il y a de nombreuses façons d’agir, et raconter des histoires en est une. Pendant cette période où les gens veulent qu’on leur parle et sont prêts à écouter avec intérêt et compassion, je vais enfin raconter quelques-unes des expériences de racisme que j’ai vécues et qui m’ont perturbée, puis proposer quelques idées pour agir.
Pendant que ça compte...
... J’ai fréquenté une école secondaire blanche et, à une certaine époque, j’arborais un afro. Les garçons de ma classe me tiraient des boules de papier à la tête à l’aide de pailles. Je pleurais à la fin de la journée en les retirant de mes cheveux. Humiliée, j’ai cédé et je me suis fait lisser les cheveux en espérant qu’on me laisserait tranquille.
... Dans la production du Magicien d’Oz de mon collège, j’ai dû jouer la méchante sorcière, même si je voulais jouer Dorothée, parce que, comme le metteur en scène me l’a dit, ma peau était suffisamment foncée pour que le public puisse voir le maquillage vert.
... J’ai fait partie des quinze étudiants sélectionnés parmi plus de 800 candidats pour participer au très convoité programme de théâtre musical de l’université d’État de New York, à Fredonia. J’ai quitté le programme à la fin de ma première année, après que mon conseiller blanc m’ait dit de choisir une autre carrière, non pas parce que je manquais de talent, mais parce que j’étais noire et qu’il me serait difficile de réussir dans ce domaine.
... Au cours des premières semaines de mon deuxième emploi en collecte de fonds à Georgia Tech, j’ai rencontré un ancien élève de 85 ans qui m’a dit : « Je me rappelle le bon vieux temps où il n’y avait ni Noirs ni femmes à Georgia Tech. » Je me souviens avoir alors pensé « Dans quoi me suis-je embarquée? ».
Je n’ai jamais raconté ces histoires à mes parents, qui ont vécu le mouvement des droits civiques. Ils ont tous les deux fréquenté le Tuskegee Institute (aujourd’hui devenu une université). Un jour, alors qu’ils étaient dans un bus à Montgomery, en Alabama, mon père a enlevé le panneau « Section des gens de couleur » et s’est assis fièrement dans la section « Blancs seulement ». Ma mère a cru qu’ils iraient en prison, mais rien ne s’est passé et mon père a conservé le panneau en souvenir. Il a ensuite connu une carrière remarquable dans les Forces aériennes des États-Unis. Mes parents ne sont plus parmi nous, mais le panneau reste et me rappelle l’audace dont mon père a fait preuve en se levant, en s’attaquant à l’injustice et en agissant.
Ce ne sont là que quelques-unes des nombreuses histoires que je pourrais vous raconter. C’est ce qui m’a amenée à créer le Réseau des agents de développement afro-américains (AADO, African American Development Officers Network) il y a 22 ans, lorsque j’ai été engagée comme première collectrice de fonds de couleur à Georgia Tech. L’AADO est devenu un réseau national de près de 1 700 collecteurs de fonds et alliés qui offre des possibilités de perfectionnement professionnel, d’éducation, de soutien à l’emploi, de mentorat et de réseautage. La couleur de notre peau y est célébrée, et personne ne nous ignore.
Aujourd’hui, pendant que le monde de la collecte de fonds semble être à l’écoute, voici ce que je vous propose : Racontez vos expériences de racisme et d’inégalité. Éduquez les gens. Dites-leur ce qu’ils peuvent faire pour faire bouger les choses et améliorer la situation. Et si vous n’avez pas d’histoire à raconter, vous avez le devoir d’écouter. Et lorsque vous vous sentirez suffisamment concerné et ému au point de ne plus pouvoir rester assis, ayez l’audace de vous lever, de vous attaquer à l’injustice et d’agir!